
Sorti vers la fin de l’année 2024, le court métrage du jeune réalisateur Kevin Aubert séduit déjà. En février 2025, ce film de 28 minutes tourné à Dakar, la capitale sénégalaise, a décroché lors de la 75e édition de la Berlinale, le Prix Spécial du Jury International du Meilleur Court Métrage de la Génération 14 plus. Et pour son avant-première au Sénégal, c’était salle comble avec un public « conquis ». Autant dire que le parcours de ce film, produit par les Productions Tangerine de Chloé Ortolé, démarre en trombe.
Igor Kouton
« Comment pourrait s’échapper une personne qu’on empêche de rêver ? ».Question, en apparence, simple mais d’une grande complexité quand on y réfléchit. Cette interrogation soulevée par Kévin Aubert, cinéaste et réalisateur franco-camerounais, est la trame de son premier court métrage « Ne réveillez pas l’enfant qui dort » sorti en 2024. Un film qui vient de décrocher le Prix Spécial du Jury International du Meilleur Court Métragede la Génération 14plus à la Berlinale 2025.« Encore une fois, je crois que j’ai eu beaucoup de chance, parce que quand le film a été prêt, la première sélection qu’on a eue, c’était la Berlinale, à Berlin. Et la deuxième chance qu’on a eue, c’est qu’on y a gagné un prix important », s’est réjoui le réalisateur après ce sacre, avant d’ajouter « Et forcément, ça, c’est de très bon augure pour la suite du parcours du film, et c’est un marchepied énorme ».
« Ne réveillez pas l’enfant qui dort », c’est l’histoire d’une jeune sénégalaise, dakaroise : Diamant. Elle a 15 ans et n’a qu’un seul rêve ; celui de faire du cinéma.Un rêve semblable à celui du réalisateur de ce film. « Je devais avoir 17 ans, et j’ai regardé ce film, (Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, NDLR) et ça m’a complètement bouleversé. Ça a enclenché quelque chose en moi, même inconsciemment à l’époque», se souvient Kevin Aubert.
Même si l’adolescent qu’il était, en ce moment où son père lui offre ce DVD, finit par faire des études de Philosophie à la Sorbonne, le rêve est resté là, intact. Mais pour Diamant, le personnage central, les parents ont d’autres projets. Des projets qui ne prennent pas en compte ses aspirations.
A travers lefilm, « Ne réveillez pas l’enfant qui dort »et son personnage principal Diamant, c’est une lumière qui est faite sur des milliers, des millions d’enfants dont les rêves ne sont jamais écoutés, ne sont jamais pris en compte. Tournées entièrement en wolof, la principale langue parlée au Sénégal, les scènes de ce court-métrage de 28 minutes se déroulent dans l’un des quartiers populaires (Fass) de Dakar, la capitale du Sénégal.
Pour échapper à cette astreinte, celle de subir le projet de ses parents qui annihilerait son rêve, Diamant trouve une parade : le sommeil. Pour le réalisateur de ce film, quand on dort, on peut rêver et c’est le seul moment où on ne nous dérange pas.
« Ne réveillez pas l’enfant qui dort », le long parcours, la reconnaissance
Né au Sénégal (à Ziguinchor dans le sud du pays) où il a passé ses premières années avant de s’installer en France avec ses parents, Kévin Aubert n’y est revenu qu’en 2020, ‘’décidé‘’ à se lancer en cinéma, lui qui s’essayait jusque-là aux clips vidéo, clips publicitaires et documentaires. « J’ai commencé à écrire. Je suis passé par plein d’étapes », raconte-t-il.
Entre autres expériences près du monde de la cinématographie, le jeune réalisateur autodidacte, a notamment dirigé une salle de cinéma (le complexe cinématographique Ousmane Sembene, NDLR) pendant un an et demi. Une expérience durant laquelle K. Aubert dit ‘’avoir appris énormément de choses’’ tout en gardant un regard sur le cinéma africain.
En 2022, le scénario du film a commencé à prendre forme.« On a commencé aussi à travailler sur le développement du scénario avec ma productrice », relate le réalisateur. C’est aussi en 2022 que le teaser du film a été tourné. Ce n’est qu’après plusieurs tentatives -vaines- de recherches de financement, qu’une co-production a été envisagée et trouvée.« Le parcours a été long et difficile », se souvient-t-il.
Et ce sont les boîtes de production La Luna Productions (France) et Free Monkeys (Maroc) qui ont accepté suivre le projet. Ce parcours que K. Aubert qualifie de long et difficile a abouti à une œuvre qui, pour sa première, remporte un prestigieux Prix dans un grand festival, la Berlinale. « Donc ça permet un peu de s’assurer, d’une certaine manière, que le film aura un parcours assez prestigieux. Donc, avoir la Berlinale en premier, ça m’a tellement aidé qu’aujourd’hui, il y a pas mal de festivals qui me sélectionnent. Et j’en suis heureux, très heureux », ajoute-t-il, avec assurance.
A noter que « Ne réveillez pas l’enfant qui dort » sera en compétition dans plusieurs festivals notamment Courses Films à Hambourg, aux Élysées Films Festival,mais aussi dans un festival au Sahara occidental.
L’avant-première
Même si les court-métrages ont disparu des salles de cinéma, à Dakar le cinéma Pathé a fait le pari d’ouvrir une billetterie pour « Ne réveillez pas l’enfant qui dort ». Et l’on peut dire que le défi de l’avant-première a été relevé. « Le double pari, c’était d’avoir pris la plus grande salle de Pathé, qui est une salle qui fait 386 places », nous détaille Kevin Aubert, avant de conclure que le pari a été relevé.
