Né en Jamaïque dans les années 1930, le rastafarisme a traversé les océans pour s’enraciner en Afrique, son berceau spirituel. Longtemps perçu comme marginal, ce mouvement religieux gagne en reconnaissance. L’ouverture d’un nouveau temple à Nairobi marque une étape importante pour la communauté rasta kényane. Le rastafarisme tire ses racines du XIXè siècle, dans le sillage de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis et dans les Antilles. Il naît en Jamaïque, dans un contexte dequête identitaire et de résistance à l’oppression coloniale. Ce mouvement s’appuie sur une lecture afrocentrée de la Bible : l’exil des Hébreux à Babylone est comparé à la déportation des Africains réduits en esclavage, et l’Af rique devient la terre promise.
L’empereur éthiopien Haïlé Sélassié Ier, couronné en 1930, est considéré par les fidèles comme une figure messianique. Dès lors, le rastafarisme prône l’unité, la paix et le rejet de l’oppression, tout en construisant une identité spirituelle propre. Souvent réduit aux dreadlocks, au reggae et au cannabis, le rastafarisme repose en réalité sur une foi profonde et une philosophie de vie inspirée de l’Afrique et de la Bible. C’est à la fois un mouvement spirituel, culturel et social.
Le mouvement s’organise en trois principales « mansions » ou branches : Nyahbinghi, Bobo Ashanti et les Douze Tribus d’Israël. Ces communautés se rassemblent lors de célébrations marquées par la musique, les tambours et les chants spirituels, dans des lieux de culte appelés tabernacles.
Si la Jamaïque demeure le berceau du mouvement, le rastafarisme s’est diffusé à travers le monde grâce notamment au reggae et à des figures comme Bob Marley. Des temples existent aujourd’hui aux États-Unis, en Europe, en Asie, en Nouvelle-Zélande et surtout en Afrique, continent perçu comme le centre spirituel du mouvement. L’Éthiopie occupe une place particulière, mais le Kenya est désormais un acteur important de cette expansion.
Au Kenya, le rastafarisme a longtemps souffert de stéréotypes négatifs. En 2019, un tournant majeur a lieu : une écolière expulsée de son établissement pour avoir refusé de couper ses dreadlocks saisit la justice. La Haute Cour puis la Cour suprême reconnaissent que le rastafarisme est une religion légitime qui doit être protégée au même titre que les autres confessions religieuses. Cette décision ouvre la voie à une meilleure visibilité de la communauté rasta. Depuis, des temples émergent à Nairobi, permettant aux fidèles d’affirmer leur foi et de se rassembler autour de leurs rites.

C’est dans ce contexte qu’un nouveau tabernacle a été inauguré en août dans la capitale kényane. La structure modeste, faite de poteaux de bois et couverte de tôles de fer, revêt une importance symbolique majeure. Elle représente un espace de prière, de solidarité et de transmission culturelle pour les rastafaris du pays.
Dans un pays où le christianisme et l’islam représentent une majorité écrasante des appartenances religieuses, l’essor du rastafarisme reste minoritaire mais symbolique. Au-delà de la cérémonie d’ouverture, ce nouveau temple illustre non seulement leur détermination mais aussi la capacité de cette foi née en Jamaïque, à se f rayer un chemin et à s’affirmer au cœur même d’un environnement religieux déjà fortement structuré. Pour beaucoup de fidèles, il s’agit d’un pas supplémentaire vers la reconnaissance et la normalisation de leur spiritualité au sein de la société kényane.

