Dans un contexte géopolitique agité en Afrique, le développement du tourisme traverse des périodes délicates. La 4ème édition de la Conférence sur l’investissement touristique et hôtelier en Afrique organisée à Abidjan le 29 février 2024 a fait le point de la situation d’un secteur porteur de croissance s’il bénéficie d’une volonté politique forte.
Propos recueillis par Léon Anjorin KOBOUDE
Quelles sont les grandes conclusions de la 4ème Conférence sur l’investissement touristique et hôtelier en Afrique ?
La 4ème édition de la Conférence sur l’investissement touristique et hôtelier en Afrique francophone (CITHA) a réuni à Abidjan près de 300 participants nationaux, panafricains et internationaux. Des professionnels de l’investissement et du développement touristique et hôtelier y ont côtoyé des acteurs de secteurs connexes comme l’ingénierie ou la formation. En effet, le thème «Voir l’Afrique en Grand » nous a permis d’élargir le champ de la CITHA, historiquement axé sur le secteur hôtelier, à l’ensemble de l’écosystème et de la chaîne de valeur du développement des projets touristiques. Ainsi, nous avons cette année proposé un programme riche : un aperçu de la situation géopolitique de la sous-région et son impact sur le secteur hôtelier et immobilier ; les infrastructures (routières, aériennes) et la formation comme conditions sine qua non du développement touristique ; le nerf de la guerre : les défis et perspectives du financement des projets ; enfin, la maturation du marché et les nouveaux produits qu’elle permet : les concepts mixed-use, l’hôtellerie lifestyle, les offres culturelles.
On retiendra surtout de l’édition 2024 l’annonce de l’ouverture prochaine d’une école du réseau international Vatel en Côte d’Ivoire, en partenariat avec la banque d’affaires Africa Capital Markets Corporation (ACMC). La CITHA 2024 a également permis la signature d’une convention entre l’Agence Emploi Jeunes et Forhom by Egis, ayant pour objet l’amélioration de la formation aux métiers du tourisme et de l’hôtellerie pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes Ivoiriens. Après l’annonce de la création du fonds Dalia Hospitality lors de la CITHA 2023, cette conférence s’impose sans conteste comme une réelle plateforme d’échanges, réflexions et business pour notre secteur en Afrique francophone.
« Voir l’Afrique en grand » paraîtun thème plein d’ambition dans un contexte géopolitique instable. Malgré l’instabilité ambiante, comment faire la promotion des destinations africaines ?
Le contexte géopolitique est loin d’être le même dans tous les pays du continent. En Afrique francophone centrale et de l’Ouest , on peut distinguer d’une part les pays côtiers, d’autre part les pays du Sahel. Les économies des premiers, mondialisées depuis des siècles, attirent particulièrement les acteurs du secteur hôtelier et touristique, tandis que les seconds subissent des situations sécuritaires lourdes.
Pour autant, comme l’a brillamment exposé M. Lionel Zinsou lors de son intervention à la CITHA, il convient de ne pas tomber dans « l’hystérisation ». ,L’instabilité politique est à mettre en perspective dans des pays où l’économie est résiliente et à forte croissance, et où les agglomérations, qui concentrent le développement et le business, ne sont pas contrôlées par les groupes criminels.
Bien sûr, la sécurité est la condition première pour attirer puis recevoir des visiteurs, d’agrément comme d’affaires, mais certaines destinations africaines souffrent encore de clichés véhiculant l’image d’une situation sécuritaire bien plus dégradée qu’elle ne l’est en réalité. Comme discuté lors de la session Culture de la CITHA, la promotion, notamment via les réseaux sociaux, d’une Afrique accueillante et moderne permet de briser ces clichés et de promouvoir les richesses du continent.
Selon vous, en Afrique de l’Ouest, quels sont les pays à fort potentiel touristique et comment peuvent-ils en profiter ?
Les pays d’Afrique de l’Ouest francophone qui selon moi présentent actuellement le potentiel touristique le plus intéressant pour les investisseurs et les opérateurs sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Bénin.
Le Sénégal est une destination touristique maintenant historique, puisqu’elle accueille depuis la fin des années 1970 des clientèles internationales et notamment européennes, attirées par la proximité géographique, un climat agréable à l’année, et la valorisation remarquable du patrimoine culturel et naturel. Le pays n’ayant pas connu, contrairement à nombre de ses voisins, de crise majeure ou de guerre, l’activité touristique a pu s’y développer de façon continue. Fort de ces atouts, le Sénégal constitue encore un choix judicieux en Afrique de l’Ouest pour les acteurs hôteliers internationaux, au premier rang desquels : TUI, qui a ouvert l’hôtel RIU de 500 chambres sur la Petite Côte, avec plus de 500 chambres en projet ; le fonds d’investissement Kasada qui vient de racheter un actif hôtelier historique, également sur la Petite Côte, pour le convertir en un Mövenpickhotels&resorts ; ou le groupe Hilton, qui a deux projets hôteliers à Dakar.
La Côte d’Ivoire, en plein essor économique, se positionne comme un hub du tourisme d’affaires avec l’ouverture du Parc des Expositions d’Abidjan et des projets hôteliers haut de gamme. L’accueil de la Coupe d’Afrique des Nations début 2024 a aussi permis de catalyser le développement des infrastructures routières, ouvrant le champ à des investissements hôteliers pertinents hors Abidjan.
Le Bénin, priorisant le tourisme dans sa stratégie de développement, investit dans plusieurs segments touristiques comme le balnéaire, le culturel et celui des affaires, avec des projets soutenus par le gouvernement et l’intérêt croissant des investisseurs, notamment avec l’arrivée annoncée du Club Med à Avlékété en 2025.
Pour toutes ces destinations, le potentiel touristique, et plus particulièrement quand on parle de tourisme d’agrément, ne peut s’exprimer pleinement que lorsque les pouvoirs publics sont impliqués à travers une volonté politique forte, tant sur le développement des infrastructures et l’attraction des investissements que la promotion et le marketing. Ainsi, une vraie politique incitative, relative en particulier à l’accès au foncier, aux infrastructures urbaines et de base, et au coût de l’aérien pour le client final, constitue un signal de confiance fort envoyé aux opérateurs internationaux pour venir s’implanter sur le marché.
Le secteur touristique et hôtelier est exigeant et en perpétuelle évolution. Comment les pays africains peuvent-ils réussir le pari de la formation, en offrant des produits touristiques de qualité ?
Nous l’avons vu lors de la CITHA cette année : la formation est au cœur des préoccupations des professionnels du secteur en Afrique francophone. A tel point que certains opérateurs et investisseurs ont étudié et validé la faisabilité économique de l’extension de leur portefeuille hôtelier, mais craignent de ne pas pouvoir recruter localement le personnel formé et compétent nécessaire. Dans le même temps, de plus en plus de destinations entrent dans la compétition touristique mondiale, et la formation aux métiers du tourisme est une condition indispensable pour proposer des offres et services aux standards internationaux et faire valoir ses atouts différenciants.
Les acteurs, publics comme privés, l’ont bien compris.
L’exemple ivoirien est intéressant : avec l’ouverture en Côte d’Ivoire d’un campus de l’école hôtelière internationale Vatel, et avec l’engagement des pouvoirs publics dans le développement de la formation professionnelle, déjà avéré au moment de la CAN et, nous l’espérons, à venir, le pays se donne les moyens de réussir le pari de la formation. Les apports internationaux, tant en termes de niveau de formation dispensée localement que de mobilité des apprenants, sont importants.
Dites-nous un mot sur votre cabinet de conseil international Voltere By Egis et ses missions…
Voltere by Egis est un cabinet de conseil spécialisé en développement de projets touristiques, hôteliers, de loisirs, culturels et mixtes. Nous appartenons au Groupe Egis, groupe international de conseil, d’ingénierie de la construction et d’exploitation qui œuvre dans le monde entier pour des territoires plus équilibrés, durables et résilients.
Le siège de Voltere est à Paris et nous avons un bureau à Abidjan depuis 2016, ainsi qu’un bureau à Dubaï. Nous travaillons tant pour des clients privés (fonds d’investissements, banques, groupes hôteliers, particuliers…) que des clients publics (bailleurs, ministères, collectivités). Notre expertise couvre le niveau macro et territorial à travers l’élaboration de stratégies de développement touristique et d’investissement pour des destinations, et le niveau micro à travers des études de faisabilité pour des équipements (hôtels et tous types d’hébergement, patrimoine, équipements culturels, événementiels, MICE, sportifs, de bien-être, immobilier géré, etc.). Affiliés au Groupe Egis nous apportons notre expertise marché sur des sujets plus techniques : de la certification durable des actifs hôteliers au développement et à l’exploitation d’aéroports.
Notre présence en Afrique de l’Ouest nous permet d’être au plus près de nos clients et des projets sur lesquels nous travaillons, avec une expertise internationale renforcée par un ancrage local fort et une connaissance fine des tendances du marché.